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Histoire de Lódz
Deuxième ville de Pologne par sa population, Lódz n'était au début du XIXème siècle qu'un village de 800 âmes. En 1793, elle est prussienne. En 1815, elle passe sous la domination russe.
Un oukase du tsar Nicolas Ier favorise l'installation des Juifs dans la ville dont les autorités ont décidé de faire un centre industriel. Juifs et Allemands entreprenants affluent vers "la terre promise" *. Ils fondent, ensemble, un crédit municipal qui facilite l'accès à la propriété des petits épargnants et, aussi, les investissements dans l'industrie. Les empires textiles des familles Scheibler-Grohman (allemande) et Poznanski (juive) enflent et atteignent bientôt la démesure. Ils ont à portée de main l'immense marché russe, pays totalement sous-développé au plan industriel.
Jusqu'en 1861, la majorité des Juifs ne peuvent habiter en-dehors du quartier qui leur est assigné, le ghetto. En 1862, le tsar Alexandre II abolit cette restriction. On construit à tour de bras : des palais pour les maîtres, des usines pour leurs ouvriers, un centre-ville cossu, des cités ouvrières. La ville agit comme un aimant pour les Juifs pauvres qui affluent de tout le territoire polonais, d'Ukraine et de Russie, et pour les paysans catholiques sans terre qui fournissent la main d’œuvre des manufactures.
Bien qu'ils n'y soient plus contraints, les Juifs préfèrent rester entre eux. Plusieurs siècles de pogroms les ont rendu prudents. Très peu sont ouvriers, le samedi est un jour ouvrable dans les manufactures : comment respecter le sabbat ? Travail à domicile, artisanat, commerce, sous-traitance pour les grosses industries seront leurs activités. Les Juifs sont donc ou beaucoup plus riches ou beaucoup plus pauvres que leurs concitoyens catholiques.
La transmission de l'héritage livresque et intellectuelle de la tradition religieuse juive prépare l'esprit des jeunes Israélites aux subtilités spéculatives de leurs ancêtres. Cette caractéristique les différencient radicalement de masses catholiques souvent analphabètes. La vie culturelle de la communauté hébraïque de Lódz est intense. Théâtre (beaucoup en Yiddish), peinture, littérature, musique, sont soutenus par les industriels et rythment la vie de la communauté. En outre, les artistes juifs échappent au provincialisme car ils sont en relation avec les milieux culturels de toutes les capitales d'Europe où leurs coreligionnaires exercent des rôles de premier plan. Ce n'est donc pas un hasard si Lódz peut s'enorgueillir d'une pléiade d'artistes (juifs) internationalement reconnus comme le poète Julian Tuwim, le musicien Arthur Rubinstein, le compositeur Alexander Tanzman ou l'écrivain Jerzy Kosinski.
En 1939, sur 600.000 habitants, 200.000 sont Juifs, 100.000 d'origine allemande, 300.000 catholiques. L'envahisseur allemand enferme les Juifs dans une partie de la ville : le ghetto. On élimine d'abord les plus jeunes et les plus vieux, car ils sont improductifs. Il faut rentabiliser l'extermination. Les masses méthodiquement affamées et spoliées de leurs biens doivent aussi produire, de tout : habillement, menuiserie, petite mécanique. De gré ou de force, les habitants d'origine allemande seront germanisés par l'inscription sur les "Volksliste". Quelques uns s'y refusent et passent à la clandestinité, la plupart adhèrent avec enthousiasme aux "idéaux" nazis. En septembre 1944, le ghetto est vidé de ses derniers habitants. Environ 3000 Juifs originaires de Lódz auraient survécu à l'holocauste. Après la guerre, les habitants "allemands" devront s'exiler en Allemagne. Le gouvernement fédéral leur octroiera une compensation. La politique antisémite des gouvernements polonais achèvera de vider Lódz de ses Israélites et leurs choix industriels de ruiner les manufactures. Actuellement, on estime la communauté hébraïque de la ville à moins de 300 âmes.
* Une épopée contée dans La terre promise, chef d’œuvre du prix Nobel Wladyslaw Reymont porté à l'écran en 1976 par Andrzej Wajda.