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Écrivain et réalisateur, créateur d'expositions et d'événements

Back to the Sources — Retour aux Sources

 Teaser in english et en français         

A documentary film project supported by 24images — Un projet de film porté par 24images

Partnerships :  Centro Teatro Ateneo Roma - Instytut Kultury Polskiej Warszawa  - The Grotowski Institute - TVP Kultura

 

 Teaser english (4') :

 February 1980 : guided by the theatre director Jerzy Grotowski, I discovered West Bengal and its mystical and rebellious musicians, the Bauls. The expedition was part of Grotowski’s research programme  that he had baptised “Theatre of Sources”. Four other colleagues — three Europeans and one Haitian were part of this journey, an initiatory journey that marked us all for life as much for what Grotowski passed on to us as for what India revealed. Grotowski died in 1999. His ashes were dispersed on the sacred mountain of Arunashala in Tamil Nadu, just as he desired. What remains of the archaic India that he remained so attached to until his death and from which he learned so much ? What remains of this extraordinary man, this universal artist who confronted everybody — spectator, actor, reader or disciple — with his or her own mysteries? This is a return to India and to Poland to retrace my companions of the time and the inheritors of Grotowski: Back to the Sources.

 

Image Pierre Guicheney  Sound -Prise de son Malika Lasfar   Editing-Montage Luc Lavault

 

Teaser français (4'):

Février 1980 : guidé par le metteur en scène Jerzy Grotowski, je découvre avec quatre compagnons le Bengale et ses musiciens mystiques et rebelles appelés Bauls. L'expédition rentrait dans le cadre d'un programme de recherche imaginé par Grotowski : le Théâtre des Sources. Quelques années auparavant, alors que son Teatr Laboratorium connaissait un succès mondial, Grotowski avait abandonné la scène pour une recherche transculturelle aux confins du rituel, de l'expérience dramatique ou de disciplines comme le yoga. Véritable voyage initiatique, l'expédition de trois semaines nous a tous marqués à vie, autant à cause de ce que nous y avait transmis Grotowski que pour ce que l'Inde nous avait révélé : Retour aux Sources.



 

Retour aux Sources

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Grotowski est mort en 1999. Il a demandé que ses cendres soient dispersées sur la montagne sacrée d'Arunasala (région de Chennai/Madras), près du mausolée de son maître intérieur secret — qu'il n'a jamais connu — : Ramana Maharshi. Que reste-t-il aujourd'hui de cette Inde à laquelle Grotowski a voulu nous confronter et qui le faisait rêver depuis son enfance, alors que, réfugié dans le petit village campagnard de Nienadowka, il lisait « L'Inde secrète » de Paul Brunton1 tandis que la guerre faisait rage ? Cette Inde et sa science des énergies de l'âme et du corps qui est restée sa vie durant un point de référence pour le maître de théâtre et d'arts rituels, comme il le dit si bien dans ses dernières leçons données au Collège de France ? Est-elle toujours la terre d'élection des hommes extraordinaires décrits par Paul Brunton ? Ses ordres mystiques rebelles sont-ils toujours vivants ?

Du Bengale des Bauls et des saddhus2 au pèlerinage populaire d'Arunasala, en passant par le village des enfants acrobates de l'Orissa ou le centre de recherches théâtrales fondé par l'ami Abani Biswas rencontré lors de l'expédition de 1980, j'ai déjà fait au cours de l'hiver 2010-2011 un premier voyage dans les pas de Jerzy Grotowski, caméra au poing3. J'ai pu y admirer la discipline artistique et spirituelle perpétuée et enseignée à de tout jeunes enfants par Basanta, le jeune maître de danse gotipua de Ragurajpur, dans l'état d'Orissa. J'ai été abasourdi par l'enthousiasme qui saisit les paysans-danseurs chhaw lorsqu'ils exécutent leurs danses acrobatiques où ils incorporent les dieux. J'ai pu ressentir le magnétisme et la sérénité de la foi des foules qui déambulent les nuits de pleine lune, pieds nus, autour de la montagne de Shiva, à Arunasala. Mon poil s'est hérissé lorsque j'ai cru percevoir le pouvoir des sortilèges lancés au feu par des magiciens tantriques. J'ai été déçu par les Bauls les plus célèbres qui, minés par le vedettariat, boivent désormais trop d'alcool, trop systématiquement. J'ai été remué par ceux qui gagnent quelques roupies en chantant les amours de Rada et Krishna dans les trains omnibus qui traversent les rizières. J'ai pu ramener d'Arunasala des copies de films 16 mm sur Ramana Maharshi. Enfin, j'ai redécouvert et aimé l'Inde archaïque et tribale, ses vaches sacrées, ses laboureurs qui continuent comme il y a trois mille ans à retourner la terre avec des araires de bois tractées par des bœufs, ses moissonneuses qui battent et vannent encore le riz à la main.

Je dois remercier Abani Biswas pour nous avoir introduit auprès de la sadhuna4 Tchondi dont il me confia qu'elle avait vécu six ans enterrée. Elle m'a raconté comment, enfant, elle « mourut » à l'âge d'un an et demi et fut donnée à un temple où on la ranima. Tout cela à cause d'une alliance indissoluble — ou une malédiction — scellée dans des temps immémoriaux entre sa famille et une déité avatar de la déesse Kali. Tchondi a acquis des pouvoirs au cours des années d'initiation qui ont suivi sa résurrection. Tandis que nous l'écoutions, il m'est apparu que l'Inde était encore une terre où des êtres humains du commun pouvaient vivre dans leur chair une mythologie, qu'elle était aussi celle où des individus aussi peu respectueux de l'ordre établi et des conventions sociales que les saddhus ou les Bauls étaient protégés par la loi et où des anachorètes foncièrement anarchistes comme Ramana Maharshi étaient révérés de leur vivant et avaient droit, après leur mort, aux hommages sincères de personnalités politiques aussi importantes qu'Indira Gandhi.

J'ai aussi mesuré que l'Inde était immense et qu'au moins deux autres voyages seraient nécessaires pour réaliser notre film. Car il faut se rapprocher encore des rares Bauls authentiques, de Basanta et ses élèves acrobates trop vite croisés, de Tchondi et de ses compagnes sadhunas, des magiciens tantriques de Tarapit (au Bengale). Il faut retourner à Arunasala pour filmer la montagne de Shiva lorsqu'on allume à son sommet un feu immense, une fois l'an, remonter aux sources du Gange et y rencontrer les yogis qui inspirèrent Grotowski. Je voudrais aussi me rendre dans le Tamil Nadu auprès des maîtres de la médecine dravidienne Siddha, l'une des plus anciennes de l'Inde, qui collaborent avec des scientifiques et des chercheurs universitaires. Ils puisent leur savoir dans la communication avec les plantes, une communication qui constituait un autre pôle de recherche caché du Théâtre des Sources.

Pour que ce périple ne se réduise pas à une quête trop exclusivement personnelle, j'irai aussi à la rencontre (physique, radio, vidéo) des compagnons de l'expédition de 1980 : Marek Musial, Polonais, aujourd'hui directeur d'une entreprise qui loue des pianos de concerts ; Katharina Seyffert, Allemande, qui dirige un centre de recherches et de formation théâtrale dans le Sud de la France ; François Liège, Français, résident en Hollande, qui mène une entreprise individuelle d'import-export entre l'Europe et l'Afrique, collectionneur d'art rituel vaudou ; Micado Cadet, Haïtien, ancien apprenti hougan (prêtre vaudou) qui vit aujourd'hui à Orlando, aux USA. J'irai filmer notre base polonaise de l'époque, le domaine de Brzezinka, proche de Wroclaw. Enfin, j'interviewerai des intellectuels qui ont suivi cette aventure comme l'anthropologue Leszek Kolankiewicz ou le théâtrologue Zbigniew Osinski, et j'irai à la rencontre des héritiers de Grotowski, Thomas Richards et Mario Biagini, pour tenter de comprendre ce qu'ils ont retenu du legs « indien » du maître.


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1  A search in secret India, 1934, S. Weiser, New York

2  Saddhu : celui qui a renoncé à la société pour se consacrer au but ultime de toute vie, selon l'hindouisme, à savoir la moksha, la libération de l'illusion.

3  Avec Malika Lasfar pour la prise de son.

4  Féminin de saddhu

            
   


 

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